Il était maintenant déjà 20h. Je regardais inlassablement l’horloge tourner, le dortoir du groupe était vide et présentement, je me demandais pourquoi j’étais resté ici toute la journée. Les autres avaient tous eu des empêchements pour me garder : shoot, enregistrements, affaires personnelles. Bel et si bien, que je n’avais pas bougé de ma chaise depuis que Jin, le dernier BTS qui était parti ce matin, m’abandonne à son tour. Je n’avais pas eu faim, ni l’envie de faire quoi que ce soit, et je jouais encore d’un geste nonchalant avec  mon verre de jus de fruit. Il me semblait avoir oublié quelque chose dans la journée, mais j’avais totalement oublié quoi. Le fil de ma pensée m’avait emmené dans d’autres tréfonds de ma pensée et je n’y avais finalement pas réfléchi. J’appréciais maintenant le doux tintement des aiguilles de l’horloge. Il était 20h05, et je ne m’étais toujours pas bougé. J’imaginais maintenant le visage de Rapmonster lorsqu’il rentrerait. Dans le shedule, c’était le premier qui devait avoir fini. Mais j’imagine qu’il profitera de cette sortie pour se défouler un peu. Peut-être alors que Jimin arriverait avant ?

Il fallait que je me lève, et plutôt deux fois qu’une. Sinon, l’on continuerait encore de me taquiner, et je n’en avais pas envie aujourd’hui. J’allais leur cacher n’avoir absolument rien fait. Ils n’y verront absolument que du feu. J’imaginais déjà ce que j’allais pouvoir leur offrir comme excuse. Tout d’abord, il me faudrait effacer toute l’eau de la douche, qu’ils pensent que je l’ai fait ce matin. Ou alors, je dirai que je me suis entraîné, pour avoir un corps parfait, ça fait quelques temps que j’aimerai avoir un corps parfait. Et puis, je pourrai sûrement disperser quelques mangas ici et là, faire comme si j’avais lu, ou des livres  mêmes, ou les paroles du prochain live. Je me redressais alors rapidement. Putain. La terre bouge. Peut-être que c’était parce que je n’avais pas bougé de là, mais je ne sentais plus vraiment mes pieds toucher le sol, et la gravitation avait pour moi maintenant un tout autre sens. Je secouais un peu ma tête, me reposais d’une main sur le dossier de la chaise pour reprendre mes esprits. Je supposais que ce que j’avais oublié allait me jouer des tours, mais je ne savais toujours pas ce que c’était.

Je cherchai du regard autour de moi, pour chercher mon téléphone. Il devait être dans la chambre encore, ou alors caché dans des coussins du canapé. J’avançais vers lui pour pouvoir l’examiner, peut-être que j’ai manqué une alarme dessus ? A tâtons, j’arrivais jusque le sofa pour fouiller dans les trous, et en extirper l’appareil. Une grosse image bleue clignotait sur l’écran. «Pillules ». Ca notait 10h00, 12h00 et 18h00. Mais quel con. Quel malade de merde. Même pas foutu de se soigner correctement. Je me frappais frénétiquement la tête contre ma paume, néanmoins, je pouvais noter une petite amélioration dans ma maladie. Ça veut dire que je n’avais toujours pas eu de crises pour le moment. Peut-être que j’allais mieux ? Peut-être même que j’étais guéri ? J’imaginais alors pouvoir tester un peu plus. Après tout, j’avais déjà loupé quelques heures, pourquoi ne pas voir d’avantage ? J’imaginais ne rien pouvoir craindre. Et même si au fond, c’est stupide, j’avais envie de connaître mes limites, un peu comme un adolescent en soirée. Ils savent tous que boire ça n’avance à rien, surtout trop boire. Qu’après la période d’euphorie, il n’y a plus que la maladie et les mauvais souvenirs le lendemain. Néanmoins, ils veulent connaître leurs limites et recommencent. Je suis qu’un mauvais ado, en manque de sensations nouvelles ?

Mes maux de tête étaient encore présents, mais beaucoup moins lancinants. Je glissais mon téléphone dans ma poche et supprimais les rappels. Comme ça, personne ne verra rien, j’allais tout faire en loose d. Je trottinais jusque la douche, bien décidé à continuer ma journée comme je l’avais imaginé. J’attrapais quelques habits en boule à côté du linge sale et le posais sur une chaise. Ce serait ce que j’allais porter pour ce soir, ça me semble assez agréable et de toute façon, je ne comptais pas sortir ni m’approcher d’une caméra. Je retirai mes vêtements que je lançais un peu partout dans la pièce, et posais sur le rebord du lavabo mon téléphone, dont la musique sortait à en exploser les tympans. Je rentrais dans la cabine et faisais couler l’eau chaude d’un jet puissant au-dessus de ma tête. Je soupirais légèrement et me laisser voguer à mes pensées les plus profondes. « On se sent bien là-dessous ? » Me murmurait une voix féminine et étrangement familière. Je me tournai rapidement, étonné, mais ne m’en souciais d’abord pas. Avant qu’elle continue à m’adresser parole, puis une seconde voix, que je reconnaissais comme une de mes plus anciennes compatriotes. Et les autres, toutes les autres, qui se confiaient, et chuchotaient à mes oreilles. Les murmures devinrent des cris et des lamentations. « Tu nous as fait taire ! » - « Tu ne veux plus de nous ! », et les sons incessants devinrent un bruit sourd et désagréable à mes oreilles.  Je titubais dans la douche, me laissais tomber au sol, ma respiration s’accélérait dangereusement, et mon pouls aussi j’imaginais. Tout mon corps commençait à réagir à ces bruits. Ne plus jamais tester ses limites, ne plus jamais le faire…. J’haletais, hors de moi et particulièrement effrayé à l’avenir de cette crise. Alors, j’attrapais le téléphone que j’observais sur le lavabo, et tant bien que mal, à cause de l’humidité de mes mains, composait le numéro d’un de mes hyungs. J’étais tombé sur la messagerie de Suga, pourtant j’espérais qu’il n’avait juste pas eu le temps de me répondre :

« Hyung… » Murmurais-je entre deux grandes respirations « j’ai fait une connerie… »